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LE BOOM DU GAZ NATUREL LIQUÉFIÉ : UNE BOMBE À RETARDEMENT CLIMATIQUE

  • Photo du rédacteur: Théophile Jouassain
    Théophile Jouassain
  • 9 déc. 2024
  • 3 min de lecture

Face à la crise énergétique mondiale, le gaz naturel liquéfié (GNL) est présenté comme une alternative cruciale pour sécuriser les approvisionnements, notamment en Europe, fortement touchée par la diminution des livraisons de gaz russe. Pourtant, derrière cette course au GNL se cache une réalité inquiétante : son développement effréné menace les objectifs climatiques internationaux. Alors que les infrastructures de production et de transport se multiplient à travers le monde, leur impact sur le climat suscite une vive opposition de la part des scientifiques et des ONG.


Un cargo transportant du gaz naturel liquéfié (GNL)
Les capacités d'exportation du GNL devraient s'accroitrent de 50% d'ici à 2040.

UNE EXPANSION MONDIALE SANS PRÉCÉDENT


La production et le commerce de gaz naturel liquéfié a connu une croissance spectaculaire, avec pas moins de 100 nouveaux terminaux d’exportations construits ces deux dernières années. 


Une croissance qui est loin de ralentir, avec 156 projets de nouveaux terminaux -principalement situés en Afrique- prévus pour 2030 selon Reclaim Finance. La capacité totale d’exportation devrait ainsi progresser de 50 % dans les 15 prochaines années. 


Ces nouvelles infrastructures, bien que stratégiques à la fois pour les producteurs et les acheteurs, pourraient générer des émissions équivalentes à celles des centrales à charbon mondiales sur une décennie, soit 10 gigatonnes de CO₂. 


L'Agence internationale de l'énergie (AIE) affirme pourtant que ces projets ne sont pas nécessaires pour répondre aux besoins énergétiques à long terme. 


Cette expansion semble à la fois incompatible avec les efforts mondiaux pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, et inutile sur le plan économique, alors que les coûts des renouvelables ne cessent de diminuer. 



LE RÔLE CONTROVERSÉ DES BANQUES ET INVESTISSEURS


Les banques et investisseurs internationaux se trouvent au premier plan de cette expansion. Entre 2021 et 2023, ils ont injecté 213 milliards de dollars dans des projets liés au GNL, malgré leurs engagements pour la neutralité carbone. 


Des banques françaises comme BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale soutiennent activement des entreprises comme Shell et TotalEnergies, largement impliquées dans les activités d’extraction actuelle, et les projets de développement du secteur.


Il est à noter que, contrairement à d’autres hydrocarbures, aucune banque au monde ne s’est engagée à ne plus soutenir d’entreprises liées à l’extraction, la transformation ou l’exportation de GNL.


En parallèle, des gestionnaires d’actifs comme Amundi détiennent des participations importantes dans ces mêmes entreprises. 


Une manne financière qui permet aux entreprises de poursuivre des projets fossiles à grande échelle, renforçant leur incompatibilité avec les trajectoires de réduction des émissions.



NORTH FIELD : UN SYMBOLE DES CONTRADICTIONS CLIMATIQUES DU GAZ NATUREL LIQUÉFIÉ


Parmi les projets les plus controversés, le champ gazier North Field au Qatar fait figure de cas emblématique. 


Ce gisement, le plus vaste au monde, est décrit comme la pire des 425 bombes climatiques identifiées par les scientifiques, soit des projets d’extraction gigantesques d'hydrocarbures. 


Sur l'ensemble de son cycle de vie, il pourrait émettre plus d'un milliard de tonnes de CO₂. 


TotalEnergies, plus important partenaire de QatarEnergy dans l’exploitation de ce gisement, a récemment décidé d'investir 1,5 milliard de dollars dans des projets d'expansion du champ gazier. 


Une décision notamment motivée par les besoins en gaz de l’Union Européenne dans un contexte de tensions avec son principal fournisseur, la Russie, en raison de la guerre en Ukraine. 


Selon une étude publiée dans Energy Policy, ces projets visant à étendre la production de gaz naturel ne sont rentables pour la transition énergétique que si les émissions mondiales de carbone ne diminuent pas rapidement, soulignant leur incompatibilité avec les accords climatiques pris par la communauté internationale.



UN DANGER POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET LES DROITS HUMAINS


En plus de ses impacts climatiques, l'essor du GNL retarde l’adoption des énergies renouvelables en maintenant les prix du gaz artificiellement bas. 


Des cas de violations des droits humains exacerbent cette problématique, notamment au Mozambique, où des soldats chargés de protéger un site gazier exploité par TotalEnergies ont été accusés de violenter les populations civiles locales. 


Ces dérives montrent que le développement des combustibles fossiles ne menace pas seulement l'environnement, mais aussi les populations vulnérables.


Face à cette crise, des ONG appellent à une action urgente pour suspendre les financements des terminaux GNL et des projets fossiles. 


Des initiatives comme celles de Reclaim Finance, qui alerte sur l'expansion du secteur GNL et de son impact carbone, mettent en lumière l'urgence de réorienter les flux financiers vers des solutions énergétiques compatibles avec les objectifs climatiques mondiaux.



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