IA ET CRYPTOMONNAIES : LA TAXE CLIMATIQUE QUE PROPOSE LAURENCE TUBIANA
- Théophile Jouassain
- 23 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 juil.
Les géants de l’intelligence artificielle et des cryptomonnaies enregistrent des profits records tandis que leurs émissions continuent à augmenter de façon exponentielle. Dans un contexte de sous-financement de la lutte climatique, plusieurs voix, dont celle de Laurence Tubiana, plaident pour une taxation spécifique de ces secteurs afin de financer les objectifs de l’Accord de Paris.

L’EMPREINTE ÉNERGÉTIQUE DE L’IA ET DES CRYPTOS S’ENVOLE
Alors que le réchauffement climatique s'accélère et que la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre devient de plus en plus pressante, les secteurs de l’intelligence artificielle et des crypto-monnaies voient le niveau de leurs émissions exploser.
Selon le Fonds monétaire international, les data centers et les fermes de minage alimentés en énergie carbonée pourraient à eux seuls émettre plus de 1 milliard de tonnes de CO₂ par an d’ici 2030 si aucune régulation n’est mise en place.
Les cryptomonnaies, notamment le Bitcoin, sont particulièrement visées en raison de leur système de validation par preuve de travail (proof-of-work), extrêmement énergivore.
En 2025, l'empreinte carbone globale du Bitcoin était ainsi estimée à 98 millions de tonnes de CO₂, soit l’équivalent des émissions du Qatar.
L’IA, dont l’utilisation croît de façon exponentielle, n’est pas en reste : l’entraînement des grands modèles mobilise des ressources considérables, souvent issues de réseaux électriques alimentés au charbon ou au gaz.
UNE IDÉE PORTÉE PAR TUBIANA AU SEIN DES NÉGOCIATIONS CLIMATIQUES
Laurence Tubiana, économiste et ex-négociatrice en chef pour la France lors de l’Accord de Paris, appelle désormais à une taxation mondiale des secteurs de l’IA et des cryptomonnaies pour alimenter le Fonds vert pour le climat.
Selon elle, il s’agit de secteurs « extrêmement profitables » qui ne contribuent pas à l’effort climatique alors qu’ils en aggravent les effets.
Ainsi, l’instauration d’une taxe globale sur les transactions ou les profits des entreprises du secteur constituerait une mesure de justice climatique et fiscale permettant de compenser une partie des émissions produites en finançant la transition énergétique.
Toujours selon Tubiana, il existe cependant une difficulté potentielle à taxer les acteurs de l’IA, ces derniers pouvant potentiellement déplacer leurs datacenters en dehors des pays mettant en place des taxes à leur encontre.
Dans le même temps, des gouvernements partisans des cryptomonnaies, à l’instar de l’administration Trump aux Etats-Unis, pourraient rejeter l’idée de taxer le secteur.
Les banquiers centraux ont en revanche exprimé un avis favorable à cette mesure.

UNE FISCALITÉ CIBLÉE POUR DÉBLOQUER DES MILLIARDS
Le FMI confirme également que la fiscalité peut jouer un rôle central pour contrer l’impact climatique de ces secteurs énergivores en croissance.
Le Fonds suggère d’imposer une taxe sur la consommation énergétique des infrastructures IA et crypto, ou sur la pollution de l’air liée à leur activité.
Une taxation progressive, appliquée d’abord aux plus grands acteurs, permettrait d'éviter un choc économique tout en générant des revenus substantiels.
Un tel prélèvement pourrait servir à renforcer les budgets d’adaptation climatique, en particulier dans les pays vulnérables, alors que les financements actuels restent insuffisants pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris.
TAXATION DE L’AVIATION HAUT DE GAMME : UN MODÈLE À SUIVRE ?
La Global Solidarity Levies Task Force co-dirigée par Laurence Tubiana a déjà décroché une victoire majeure en jouant un rôle moteur dans la mise en place d’une taxe climatique innovante sur un autre secteur polluant.
En 2022, son lobbying a contribué à l’adoption d’une taxe sur les billets d’avion en classe affaires et première classe par plusieurs gouvernements en Europe, en Afrique et dans les Caraïbes.
L’objectif : cibler en priorité les voyageurs les plus émetteurs. Un précédent qui pourrait aujourd’hui servir de modèle politique et fiscal.
Selon Tubiana, la taxe sur l’IA et les cryptomonnaies pourrait reprendre cette logique : viser les plus gros consommateurs d’énergie et les entreprises les plus rentables, tout en ménageant les usages moins intensifs.
UN TEST DE VOLONTÉ POUR LES GRANDES PUISSANCES
L’absence actuelle de régulation des émissions de l’IA et de la crypto-monnaie reflètent l’effet de latence qui existe entre l’émergence d’un secteur polluant et la mise en place de mécanismes permettant de faire payer le coût de cette pollution.
Rappelons qu’à ce jour, aucune avancée concrète n’a encore été réalisée. Les États-Unis en particulier restent opposés à toute forme de taxation mondiale sur leurs champions technologiques.
L’Union européenne, en général plus à l’avant garde sur les régulations, à davantage de chances de jouer un rôle moteur à court ou moyen terme.
Le G20, qui se réunira en novembre, pourrait également faire émerger ce sujet à l’agenda.
Un véritable choix de société qui s’impose pour les différents gouvernements quant à cette régulation, dont l’adoption ou le refus enverra un signal fort aux secteurs les plus émetteurs.