LE PLAN CONTESTÉ DU JAPON POUR RÉDUIRE SES ÉMISSIONS DE GES
- Théophile Jouassain
- 21 févr.
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Dernière mise à jour : 21 févr.
Le Japon, troisième économie mondiale et septième plus grand émetteur de gaz à effet de serre (GES), a annoncé ce mardi un plan de décarbonation ambitieux axé sur le développement du nucléaire et des énergies renouvelables. Des critiques s’élèvent déjà sur la cohérence de ce plan pour effectivement parvenir à une réduction des émissions du pays.

Le Japon constitue en 2025 le 7e plus gros émetteur de GES à l'échelle globale
UN PAYS TOUJOURS TRÈS DÉPENDANT DES ÉNERGIES FOSSILES
Territoire insulaire et relativement pauvre en ressources naturelles, le Japon repose principalement sur les importations de combustibles fossiles pour assurer son approvisionnement énergétique.
En 2023, les énergies fossiles représentaient près de 85% de sa consommation énergétique, dont 26% de charbon.
Une dépendance qui s'est accentuée après la catastrophe de Fukushima en 2011, entraînant l'arrêt temporaire de la plupart des réacteurs nucléaires, ainsi qu’une hausse importante de la consommation de charbon et de gaz.
Avec environ 1,1 milliard de tonnes de GES (en équivalent CO2) émises chaque année, le Japon se classe à la septième place des plus grands émetteurs mondiaux.
Afin de réduire une empreinte carbone relativement élevée, une transformation profonde de son mix énergétique est nécessaire, avec un accroissement rapide de la part des capacités renouvelables et nucléaires.

UN PLAN CLIMATIQUE AMBITIEUX, MAIS CONTESTÉ
Le plan de réduction du Japon fait suite au renouvellement auprès de l’ONU des Contributions Déterminées au niveau National (NDC) dans le cadre de l’Accord de Paris.
Ayant précédemment fixé un objectif de réduction de 46% des émissions de GES du pays pour 2030 par rapport à leur niveau de 2013, le Japon annonce désormais une réduction de 60% des émissions pour 2035, et de 73% pour 2040.
Si les objectifs de ce plan peuvent sembler ambitieux, certaines organisations, telles que WWF, estiment qu’ils sont insuffisants pour maintenir l’objectif climatique de l’accord de Paris, et que la cible de réduction pour 2035 devrait être d’au moins 66%.
D’autre part, les moyens qui permettraient d’y parvenir n’ont pas manqué d’être critiqués pour leur manque de réalisme ou d’efficacité.
D’abord, l'objectif d'atteindre 36-38 % d'énergies renouvelables d'ici 2030 en misant sur le solaire et l'éolien offshore semblent peu compatibles avec la géographie montagneuse et la densité urbaine du pays, qui compliquent le déploiement massif de ces infrastructures.
Par ailleurs, le retour du nucléaire reste un sujet de débat, la population restant marquée par la catastrophe de Fukushima survenue en 2011. Cette dernière avait à l’époque entraîné la fermeture d'un certain nombre de réacteurs et un désinvestissement radical dans la filière nucléaire.

Certains experts critiquent également la place accordée au charbon dans les plans énergétiques. Le Japon continuerait ainsi d'investir dans des centrales à charbon de "nouvelle génération", mises en avant comme moins polluantes, qui restent toutefois des sources majeures d'émissions de CO2.
Selon ces mêmes critiques, la sortie du charbon pourrait constituer la voie la plus rapide de réduction des GES pour le pays.
L'HYDROGÈNE : UNE SOLUTION MIRACLE ?
Le plan de décarbonation annoncé par le Japon mise fortement sur l'hydrogène pour décarboner son industrie et son secteur énergétique.
Le pays veut devenir un leader mondial de l'hydrogène "vert", produit à partir d'électricité renouvelable, et de l'hydrogène "bleu", issu du gaz naturel avec captage de CO2.
Des projets de production, de transport et de stockage sont en cours, avec des investissements massifs de la part des entreprises japonaises. Toyota et Honda, par exemple, ont déjà lancé des modèles de voitures à hydrogène.
Cependant, la production d'hydrogène reste coûteuse, et son rôle réel dans la transition énergétique du pays fait encore débat.
En effet, l’hydrogène constitue davantage une façon de stocker l’énergie qu’une source d’énergie en soi : sa production demande elle-même de grandes quantités d’énergie dont les trois-quarts seulement seront récupérées lors de son utilisation.
La généralisation de son utilisation dans les transports, au dépend des véhicules électriques, pourrait ainsi gaspiller une partie de l’énergie produite grâce au solaire ou l’éolien.
UN PLAN À REBOURS DE LA NÉCESSITÉ CLIMATIQUE
Si l’on fait le bilan de ce plan, nous avons donc :
des cibles pas suffisamment élevées pour atteindre les efforts nécessaires de la part du Japon pour se conformer aux objectifs de l’accord de Paris
une volonté de maintenir, voir de continuer à développer certaines industries fossiles, notamment le charbon, dans un mix énergétique où la part de ces sources d’énergie est déjà bien trop élevée
une transition basée sur l’hydrogène, qui, investit dans des usages trop larges, pourrait engendrer une gaspillage de l’énergie.
Il faudra donc revoir la feuille de route gouvernementale pour espérer que le Japon fasse correctement sa part dans la lutte contre les changements climatiques, et prépare son économie à une réalité post-énergies fossiles.